jeudi 27 avril 2017

Mougeons-nous !

D’abord, on s’étonne ; puis on râle. Ensuite on s’habitue, on tolère et l’on accepte. Enfin, on se résigne, on se cache ou bien on participe.

Cette soumission organisée, généralisée, théorisée par la « fabrique du consentement » tient à la peur provoquée par les dominants. Peur du déclassement, peur du terrorisme, peur des migrants, peur des étrangers, peur du fascisme, peur des dénonciations, peur de penser autrement, peur des skinheads, peur de la guerre, peur de la fin du monde, peur de mourir, peur de s’engager, peur de la séparation, peur des armes de destruction massive, peur de la grippe, peur du loup, peur de l’au-delà...
Le registre des peurs est tellement vaste qu’il suffit d’en choisir une ou deux, de les orchestrer, et soudain une armée obéissante et disciplinée de mougeons se met en marche, sans plus s’interroger sur l’origine et les conséquences des peurs qui l’animent. Plus rien ne peu la distraire de la peur à la mode, pour un certain temps en tous cas. Il sera bien temps plus tard d’inventer une autre peur et de la brandir devant le bec effrayé de notre mougeon prompt à caqueter en bêlant « sus à notre nouvel ennemi, tous avec moi ! ».

Il en va ainsi depuis la nuit des temps. Mais à l’ère de l’information numérique et du changement climatique, cet être fragile a-t-il rejoint le museum d’histoire naturelle au rang des espèces disparues ? Que nenni, sa résistance au gavage et à la tonte ne cesse de progresser, il suffit de lui faire peur et il obéit sans coup férir, jamais. Trop heureux d’être de nouveau tondu pour échapper à la menace, trop pusillanime pour un jour se re-bêler, trop naïf pour réfléchir, trop servile pour élever la voix, trop abruti de peurs pour douter...

Sans surprise, depuis ce 23 avril, il faut avoir peur des skinheads et de leurs armes de poing, des ratonnades de milices surentraînées et du délit de patriotisme modéré. D’un seul homme, si j’ose dire, nos mougeons aussitôt informés, enjoignent leurs voisins de voter pour le Tondeur d’Amiens gentiment prénommé Emmanuel, comme si son prédécesseur Manuel le Toro Catalan ne nous avait pas totalement dépouillés.

Gare au mougeon hésitant : il sera appelé à se ressaisir, dénoncé puis châtié en place publique devant des millions de mougeons ulcérés par tant de témérité. Gare au mougeon contestataire à cinq pattes, dont l’audace pourrait retomber sur l’ensemble de la communauté et qui se rendrait ainsi responsable du malheur des autres. Et sus au mougeon noir revendiquant la liberté de conscience et la lutte de classe : son sort sera scellé par un tribunal d’exception qui lui clouera le bec et le tourne-brochera jusqu’à ce que repentance s’ensuive. Votez Micron ! qu’on vous dit ! Utilisez votre droit de vote pour faire barrage au Front National, ce grand méchant loup qui vous dévorera bien plus cruellement que lui!

Et c’est ainsi que nos mougeons, investis d’une soumission collective au nom de leur liberté d’être tondu, se dirigent allègrement vers cinq années supplémentaires d’austérité ornitho-ovine. Un coup, je te gave de graines brevetées par Monsanto, un coup je te tonds pour garnir mon nouveau coffre-fort 4.0 hyper protégé par parthénogenèse cellulaire à rétro-actions simultanées.

Au début, nos mougeons se félicitent et se congratulent d’avoir ensemble su échapper au péril brun qui les menaçait de ses serres acérées. Surpris eux-mêmes par un courage qu’ils ne se connaissaient pas, ils s’enorgueillissent de l’hardiesse qu’ils transmettent fièrement à leurs enfants.

Mais bien vite, au rythme accéléré des tontes qui se succèdent sans jamais sembler s’interrompre, la fatigue pointe son nez, la maladie s’installe et les petits instants de bonheur sont vite dépensés dans les grands magasins. Alors, pour augmenter la cadence, le Tondeur d’Amiens les encourage : « vous perdez de l’efficacité en courant les uns derrière les autres. Cessez de bouger ! Ainsi, vous mangerez moins de grain et produirez plus de laine ». Les mougeons n’y avaient pas pensé mais reconnurent que la méthode semblait adaptée à la crise qu’ils traversaient depuis trois générations.

« Tiens, n’est-ce pas mougeon Lefort là-bas ? Regarde, lui dont le grand-père était si puissant, comme il semble chétif ! C’est la faute à l’air vicié que l’on respire ! » Heureusement, les progrès de la science et de la technique permettent désormais de se passer de deux pattes, devenues inutiles depuis la Loi du Surplace, d’autant que les pattes produisent peu de laine au regard du reste du corps. De même, l’appareil auditif qui transmet directement les informations au cerveau rend caduque l’usage des oreilles que l’on coud dès la naissance des bébés mougeons pour raison d’hygiène.

Cependant, d’élections en élections, les mougeons finirent bien sûr par constater que le système leur imposait toujours un aigle plus vorace. Mais, privés de deux pattes et du moyen de se concerter, leur capacité d’agir contre le système s’étaient amenuisée au point que la résignation gagna l’ensemble de la communauté, puis l’ensemble des générations. Ils admirent enfin que des élections dans un système si bien organisé n’étaient plus tellement nécessaires.

D’ailleurs, il n’y avait plus rien à craindre, tant qu’ils acceptaient de renoncer à demander des explications, autorisaient la tonte contre le gîte et le couvert et consentaient à perpétuer la race avec fierté.

La morale du mougeon

La morale de cette histoire ? Affronter la domination, c’est vivre. Lutter, c’est exister. Se résigner, c’est trahir les camarades insoumis.

Le 7 mai, résiste à l’alternative que l’on t’impose. Choisis en conscience une troisième voie. Gonfle le nombre de votes blancs. Au premier tour, 36 millions de votants se sont exprimés, dont 16 pour Micron-La Pen.

Le mougeon, 50% mouton, 50% pigeon, 100% français
Laissons-les entre eux, nous pouvons être majoritaires au deuxième tour, avec 20 millions de bulletins blancs ! 

Réponse anticipée à ceux qui me soupçonneraient d’être à la botte en cuir de MLP : elle représente l’obscurantisme opportuniste et mensonger d’un mouvement patriotique conservateur et productiviste. A ce titre, elle attire vers elle des pauvres gens déboussolés par des politiques scélérates menées contre leur intérêt pour servir l’oligarchie. Et la seule manière d’assécher ce mouvement et le racisme qui en est le fondement, c’est de mettre fin aux mesures anti-démocratiques et néo-libérales qui l’entretiennent.

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