jeudi 29 mars 2012

Naufrages en rase campagne

Les observateurs de la campagne pour les élections présidentielles 2012 s'accordent sur un point: quel ennui!
Difficile de mobiliser les électeurs quand on leur annonce à l'avance les gagnants du premier tour,  quand de surcroit aucun des deux ne présente un programme et quand leurs propositions  sont si proches que le débat entre eux, omniprésent dans les médias dominants, reste imperceptible.

Difficile de mobiliser les électeurs quand les sondages se succèdent à un rythme effréné, confirmant sans relâche les choix que l'"on" a fait pour eux, quand les invectives d'un camp à l'autre le disputent au silence assourdissant qu'ils s'imposent sur les "affaires" les concernant, l'un pour la gestion de ses fédérations, l'autre pour le financement de son parti. Dans les deux cas, c'est le prix à payer pour imposer leur propagande qui est d'autant plus onéreuse qu'elle s'éloigne de l'intérêt général.

Cette élection est un naufrage. Ou plutôt un savant assemblage de naufrages croisés, si méticuleusement ennuyeux que l'on peut être certain qu'ils sont parfaitement organisés selon un dispositif éprouvé, destiné à obtenir assurément le résultat attendu.

Prenons l'exemple du Front National, dont l'antienne xénophobe auparavant divulguée par un cyclope repris de justice est désormais portée par sa fille et son gendre. Petite affaire familiale ronronnant au gré de peurs qu'elle engendre depuis quarante ans, elle est parfaitement certaine de ne jamais être choisie, mais poursuit tranquillement son œuvre obscurantiste sous les lumières bienveillantes de médias attentifs. Juste de quoi lever une paupière lorsqu'elle évoque la menace formée de tous ces immigrés islamistes débarquant chaque jour dans les ports français, tellement la ritournelle fasciste a fini d'irrigué nos cerveaux disponibles. Ce naufrage est une abdication morale, le côté sombre de l’abîme.

Le cas d'Europe-Ecologies-Les-Verts est encore plus symptomatique de la routine de ces élections. Force politique installée durablement dans le paysage français, EELV aurait dû arbitrer ce premier tour, après une année 2011 éprouvée par les naufrages écologiques que furent la marée noire du golfe du Mexique et l'accident nucléaire majeur de Fukushima. Après tout, la peur d'une catastrophe écologique vaut bien celle de l'envahisseur étranger; elle a au moins le mérite de la crédibilité. Eh bien, nos yeux ébahis assistent à un suicide politique majeur, la dissolution sans férir de convictions passionnées dans l'énorme machine socialiste qui l'engloutit en silence, moyennant la promesse de quelques circonscriptions! Sa candidate, surnageant entre deux eaux, mais surtout submergée par les attaques incroyables des stratèges de son propre camp, fait pâle figure et endure, résignée, son impitoyable purgatoire.

Un mot bien sûr, mais un seul, sur l'extrême gauche, divisée entre "communistes révolutionnaires" (L.O., Nathalie Arthaud) et "anticapitalistes" (NPA, Philippe Poutou) qui se partagent vaillamment 1% d'intentions de vote, et donc à peu près autant de temps d'antenne. C'est le temps imparti à la contestation syndicale et populaire, l’aumône médiatique accordée tous les cinq ans à la subversion économique. Naufrage de deux pirogues, sombrant dans l'indifférence...

Ou bien encore à l'ineffable centre qui n'est ni de droite, ni de droite, mais précisément au milieu. Parti funambuliste aux résurgences quinquennales, il a décidé cette année de nous tenir en haleine sur les thèmes de la "fabrication française" et de la "moralisation de la vie politique". Bousculé par la tectonique des plaques continentales PS et UMP, notre centre évite soigneusement l'écrasement, soucieux de ne choquer personne et de contenter tout le monde.

Naufrage majeur de ces élections, les pirates de l'UMP et son président-candidat périssent sous les acclamations haineuses des uns et la colère rentrée des autres. Fière d'un bilan désastreux, riche de dettes gigantesques contractées sans relâche pendant les cinq ans de sa croisière aux confins des scandales financiers et des dérives fascisantes, cette droite arrogante et corrompue prétend encore à l'absolution populaire, espérant sans doute, au moins, échapper aux représailles.

Au PS, il en va tout autrement. Ils ont le naufrage discret, mais certain. Se rapprochant volontairement des rochers de l'austérité à bord de leur pédalo surchargé de distingués conseillers, de vénérables vice-présidents, de futurs et présents ministrables, de directeurs blasonnés, ils assurent eux-mêmes leur énième défaite. A ceux qui les préviennent de la présence imminente des écueils, ils répondent avec orgueil qu'ils y ont parfaitement réfléchi, et qu'après maints débats houleux, ils ont choisi d'un commun accord la voie la plus réaliste vers la victoire méritée. Mais on devine, sous leurs certitudes de gloire, une peur indicible: est-ce celle de la défaite, ou bien celle de devoir partager avec d'autres les fruits de leur attente?


Naufrage encore, celui du maitre de jeu. Le CSA, chargé des règles de l'expression médiatique et de leur règlementaire application, ne sait plus comment ménager son maître, joueur lui-même, et ses concurrents, gagnants peut-être. Ce statut schizophrénique conduit à toutes les turpitudes, mais garantit la conclusion favorable du processus. Moyennant quelques entorses fort bien rétribuées au regard de l'effort d'obéissance requis, le CSA supervise une compétition où seuls deux joueurs ont leur chance. Le vrai naufrage serait que la démocratie impose un outsider, comme ce fut le cas en 2002, puis en 2005. Les Américains, pragmatiques, se préservent facilement de ce désagrément en n'autorisant que deux candidats à leur "élection".

Nous ne serions pas exhaustifs, si nous n'abordions la mascarade de l'arbitrage. Les arbitres, médias audiovisuels incontournables de la fabrication d'opinion, ont la tâche d'appliquer les règles du CSA, qu'ils écrasent par ailleurs de leur puissance infaillible, mais "incapables" (refusant?) d'assurer l'égalité du temps de parole dans la dernière phase de la campagne électorale. Conflits d'intérêts, connivences et arrangements entre amis verrouillent l'émergence fortuite d'une candidature inopportune.

Dans ce contexte, il est facile de deviner que l'abstention se révèle régulièrement le parti majoritaire en France, ce qui est un des effets désirés. Peu importe, puisque seuls les bulletins "exprimés" comptent.

Mais cette année, un trublion se fait jour, crédité du titre de "meilleure campagne 2012". Le Front de Gauche, puisqu'il s'agit de lui, profite en effet de la marginalisation sur sa gauche et de la droitisation sur sa droite, pour agglomérer les suffrages d'un électorat historiquement engagé à gauche, mais qui ne cesse de s'élargir au fil des nombreux et très fréquentés rassemblements. Dotée d'un programme privilégiant "l'humain d'abord" rompant avec les politiques d'austérité des autres partis, de la force de frappe militante du Parti Communiste Français, de jeunes stratèges hors-pair et d'un leader charismatique issu des rangs de son principal concurrent, cette union politique nouvelle pourrait bien sauver cette élection d'un naufrage total en créant la surprise.

En attendant, le Front de Gauche crée un enthousiasme contagieux, redonne espoir à une majorité d'abstentionniste précédemment résignés par trente années de libéralisme, et rend cette élection haletante au fil de ses succès!

Et pour ceux qui hésiteraient encore à voter PS pour s'affranchir des pirates de l'UMP:
  • Inutile de voter Hollande, c'est un Sarkozy à l'eau de rose.
  • Revoir l'interview de François Hollande par A. S. Lapix sur canal +,  lorsqu'il considère le sort réservé au peuple grec comme normal. Il faut le revisionner allant à Londres pour rassurer les banques et la finance ("je ne suis pas dangereux"), il faut leur faire lire l'extrait du discours d'Ajaccio où il propose d'appliquer des lois différentes selon les région, etc. Se remémorer toutes les émissions télé où, depuis des années, il a prôné le libéralisme. Rappeler comment, malgré le score inattendu d'A. Montebourg aux primaires, il s'est empressé de s'entourer de l'équipe la plus à droite possible (Valls, Moscovici, Fabius...). 
  • Penser que lorsqu'on en sera à notre 9éme plan d'austérité et qu'on gagnera 400 euros par mois, il sera trop tard pour pleurer. C'est le programme de Hollande qui est "impossible" ! Une fois acceptés le MES et les traités européens qui vont avec, c'est l'austérité imposée et la politique dictée par Bruxelles ! C'en est fini du partage des richesses, des services publics, des droits sociaux, de la relance par les salaires et les retraites, des mesures à prendre pour l'écologie. On continue à aller dans le mur...
  • Seul Mélenchon a su affronter le FN. Il saura trouver les arguments et la manière face à tous les obstacles.

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