jeudi 16 février 2012

Benoit Hamon répond...

A sa demande, nous répondons ici aux questions que le Sarkophage a adressées à Benoît Hamon, autour de son livre « Tourner la page, il y en a deux ».

Question 1: Quel bilan faites-vous aujourd’hui de la social-démocratie mondiale, européenne, française ?
BH: Il ne faut pas tout mélanger. Je me contenterai pour l'instant de vous répondre sur la social-démocratie française, sachant que je ne peux moralement cautionner la politique de Barack Obama. Pour ce qui nous concerne, il est difficile de tirer un bilan du simple et modeste rôle d'opposants que nous ont réservé les électeurs ces 10 dernières années. Je dirai cependant que notre idéologie s'est effritée dans les luttes de pouvoir, au lieu de se renforcer à l'aune de la réflexion et du débat interne assez inexistants.

Question 2:  Comment pensez-vous convaincre ceux qui pensent que Montebourg et Hamon servent de voiture-balai pour un PS définitivement ancré dans cette fausse gauche ?
BH: s'ils en ont déjà conscience, pourquoi devrais-je les convaincre? En effet, l'aile gauche du PS sert d'alibi au social-libéralisme que le PS a pour vocation de défendre. François nous a expliqué que l'objectif de nos commanditaires est de proposer un débat contre la droite aux yeux des Français, sans qu'aucun changement de politique ne puisse avoir lieu. Cependant, notre position a cela d'intéressant qu'en cas de poussée du Front de Gauche, nous devenons ministrables, et qu'en cas contraire nous continuerons d'animer un courant minoritaire au sein d'un parti largement financé.

Question 3: Seriez-vous d’accord pour parler de relocalisation ou de priorité à la proximité pour éviter tout nationalisme ?
BH: mettons-nous d'abord d'accord sur la guerre internationale qui nous occupe. Il s'agit de faire gagner une équipe de bras-cassés, uniquement soucieux de leurs fins de mois, de leurs vacances, de leur pouvoir d'achat et de leur santé, alors qu'en face ils s'entrainent sans interruption, acceptent de dormir à la belle étoile pendant les déplacements, sont gonflées aux hormones et sont remplacés au moindre rhume. Avouez que ce n'est pas chose facile. Nous devrons donc poursuivre petit à petit les chantiers engagés par nos prédécesseurs: flexibilisation du code du travail, efficacité salariale, fiscalité attractive, et simplifications réglementaires.

Question 4: Serons nous d’accord pour dire que le modèle fordiste n’est plus le bon, car il est responsable de la casse des cultures populaires au profit du développement des classes moyennes, de la victoire des styles de vie capitalistes, mais aussi de la crise environnementale ?
BH: absolument! Et je tiens à le dénoncer avec vous: c'est tout simplement inadmissible, et de plus inefficace. Les modèles américains n'ont jamais été les nôtres!

Question 5: Comment les socialistes doivent-ils affirmer le clivage droite/gauche en matière d’économie, de sécurité, d’école et de défense?
BH: j'aimerais nuancer ma réponse, nous ne sommes plus dans une simple lutte des classes où il était aisé d'identifier les "bons" et les "méchants" par la simple couleur de leur col. Aujourd'hui, l'économie mondiale est notre champ de bataille; nous pouvons encore choisir nos ennemis, mais pas le cadre. Pour la sécurité, c'est plus facile:  nous défendons la vidéo-protection, là où la droite s'accroche à sa vieille télésurveillance complètement dépassée. En matière d'éducation, nous limitons l'enseignement privé à 40% du marché global, ce qui représente quand même 30 milliards d'euros. Et pour finir avec notre stratégie de défense, c'est avec nos partenaires européens que nous devons en discuter: nous choisirons par exemple le char anglais s'il est meilleur que le notre, les mitraillette finlandaises si elles sont plus rapides, et les drones islandais capables de se déplacer dans le brouillard à moins 30 degré Celsius. Il est important que les armes puissent circuler librement, afin de financer nos campagnes électorales.

Question 6: Le PS est mécontent du peuple suite aux scrutins des 22 avril 2002 et 29 mai 2005, mais n’est-il pas plus simple de changer de parti que de peuple ?
BH: Ah, ah, ah! Je ne tomberai pas dans votre piège! Par le passé, à chaque fois que nous avons essayé de transformer le parti, nous avons aggravé la situation, ce que certains de vos confrères ont appelé "la machine à perdre". C'est pourquoi, si nous revenons au pouvoir, nous redécouperons les circonscriptions de façon à ce que, sans changer de peuple, nous changions les résultats des scrutins.

Question 7: au moment de l’affaire DSK, vous avez dénoncé « le déferlement des propos sexistes». Comment refaire du parti socialiste un des vecteurs essentiels du féminisme ?
BH: toute notre tâche, je dirais même notre honneur, consiste à empêcher les éléphants du PS de se faire prendre en situation de "sexitude" forcée. Passé 55 ans, ils ont une fâcheuse tendance à abuser du viagra pour faire concurrence à la nouvelle génération. Trois stratégies s'imposent: 1/ Affubler nos cadres âgés d'une cohorte de jeunes stagiaires, avec signature d'une décharge à l'embauche, 2/ limiter la consommation de viagra, qui n'est plus prescrit que par le médecin agréé du parti, 3/ Ne plus fréquenter que des hôtels six étoiles qui sont les seuls à garantir le secret de la vie privée de leurs clients.

Question 8: Le PS Européen est associé à la co-gestion libérale de l’Europe. Qu'en pensez-vous?
BH: du bien. Nous avons ainsi fait mentir nos détracteurs de droite qui soutenaient il y a encore quelques années que nous étions incapables de nous entendre avec des équipes internationales. Nous avons mis en place des formations accélérées d'anglais au sein du comité de direction du parti; ainsi, nous comprenons ce que nos partenaires européens nous disent.

Le Sarkophage: Merci Benoit.
BH: Je pense qu'il est toujours souhaitable de s'expliquer sur notre pensée car, une fois au pouvoir, elle se transforme en actes trop souvent incompréhensibles à nos concitoyens.

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